Un patio, fraîcheur et jeux de lumière

Le patio est une partie très intéressante du jardin. Son aménagement requiert une certaine recherche car c’est souvent un point central.
Dans ce cas, la porte d’entrée de la maison donne directement sur une grande baie vitrée fermée, le patio. C’est une parcelle de 3m sur 2m environ encaissée à 1,5 m. Le niveau fini du patio est presque équivalent à celui du plancher de la maison.

Les contraintes et demandes :
• L’avancé de toit qui limite fortement l’apport en eau sur le patio
• Le patio est toujours à l’ombre
• La surface à aménager doit être originale.
• Elle doit pouvoir garantir la surprise du visiteur au foyer.
• Elle doit avant tout garantir un plaisir à long terme au maître d’ouvrage de rentrer chez lui.

Le client précise qu’il préfère toujours la sobriété.
Je reprends donc toutes les idées de pierres naturelles, de rocaille ou scène japonisante zen qui nous ont parcouru l’esprit. Il s’agit de déconstruire toutes les images préconçues de scène de jardin vers lesquelles je me serais dirigé. Celle-ci dois surprendre. Pour moi il est pourtant clair que je dois utiliser la pierre, des végétaux… Je pars donc sur un chemin de réinterprétation des différents points que je veux mettre en valeur.
J’ai de nombreuses idées d’aménagement qui me semblent correspondre à cet espace limité mais il me manque un réel fil conducteur pour me surprendre moi-même.

Mais c’est l’Ophiopogon nigrescens en tapis dans une cagette qui attire mon attention. Je connais bien cette plante dont j’ai déjà vu des  exemples d’utilisation. Je repensais à Erik Borja dans son jardin de la Drôme, il l’a utilisé en contraste avec de l’helxine et des pavés dans un petit cheminement de la partie privée du jardin.

Pourquoi ne pas créer une scène de jardin noir ? Oui noir. Je repars avec une idée nouvelle de mon aménagement, encore un peu floue mais nouvelle.

Je veux utiliser l’Ophiopogon nigrescens en accord et non en contraste. Derrière ce côté sombre, le noir offre également un autre visage, associé à l’élégance et à la simplicité. Le noir se veut dans un second temps une couleur neutre qui n’exprime pas à proprement parler de sentiments passionnés. Il est vrai que le noir est la couleur sombre par excellence. Il se marie avec quasiment toutes les couleurs et ne choque que très peu. Mais cependant, le noir peut vite faire écho au vide et à la tristesse. Je veux donc l’utiliser dans sa signification positive : élégance, simplicité, sobriété, rigueur, mystère.Mon thème est le noir utilisé dans sa signification positive en accord avec les bordures de toit, les encadrements de fenêtre, la terrasse, tous anthracites.

Je propose mon projet en quatre points indispensables :

  • Le végétal : harmonie, présence, volume, intérêt particulier de chaque sujet.
  • Le minéral : mouvement, type et granulométrie différentes.
  • L’eau : fraîcheur, couleur profonde des pierres, biotope viable pour le végétal.
  • La lumière : scintillement du minéral, mise en valeur du végétal.

Le végétal

Les plantes sont choisies selon différents critères. Elles doivent s’accorder en harmonie, correspondre à l’esprit de sobriété, d’élégance et de simplicité.

L’implantation est réalisée en taches  qui se mélangent pour casser toute rigueur trop visible. L’emplacement est lié à la granulométrie du minéral et de la lumière projetée par les deux spots. Les végétaux sont intimement liés au dessin général. Deux groupes de plantes forment le fond de la scène avec au pied un paillis d’ardoise :

Le minéral

J’utilise dans cet aménagement deux types de pierre dont une de deux granulométries différentes :

Marbre de carrare 60/100 roulé:

utilisé en une tâche et planté d’Ophiopogon japonicus ‘Nana’. La pierre limite le développement du végétal qui ne poussera qu’entre les pierres sans les cacher par sa petite taille. Les pierres mouillées sont noires et brillante. Elles offrent une bonne assise au léger dénivelé de la scène. Le marbre de carrare de grosse granulométrie est aussi utilisé pour former des caches aux prises électriques et stabiliser les asperseurs. Des unités sont dispersées dans la scène en rappel de petits ilots.

Marbre de carrare 10/12 mm concassé :

Il forme une rivière plantée de Pratia sur la partie arrosée par l’eau de pluie. Il est fin et brillant. Sur une plus grande étendue très élégante, il est planté d’Ophiopogon nigrescens. Le jeux de lumière décuple l’effet précieux de cette étendue et la finesse des plantes. L’Asplenium trichomanes dont les tiges sont noires, est une transition du noir au vert. Un pied est placé dans l’étendue de la lumière où ses feuilles ressortent comme des gouttelettes. Le cercle peut déclencher de la fascination, il est mystérieux.

Paillettes d’ardoise :

Moins sombres que le marbre de carrare, elles sont placées en fond pour créer une ouverture. Leur texture est plate pour améliorer le graphisme des fougères et des Rodgersia et éviter toute agressivité en haut de dénivelé. Une fois mouillée, l’ardoise est, elle aussi, sombre et brillante.

Le dessin général créé un mouvement sans réel point d’attention. En effet les transitions de plantes et de minéraux sont travaillées de manière à ce que le regard se déplace facilement en chaque point de la scène sans se perdre. La dispersion permet d’évacuer toute brutalité, et les pierres de même provenance ou en tout cas de caractéristiques semblables ont l’avantage d’éviter une confrontation négative.

L’eau

L’arrosage est indispensable, mais dans cette scène l’eau joue aussi un rôle métaphorique. En effet, elle créé l’atmosphère de fraîcheur et rend les pierres et les végétaux brillants. On pourra observer des changements de couleur selon le degré d’humidification, les pierres passant du gris foncé  au noir profond. La solution d’arrosage automatique est la plus appropriée pour un confort complet du maitre d’ouvrage. Le programmateur permet de choisir la plage horaire où la scène sera la plus décorative. Un robinet est disponible pour installer un kit micro-drip système de chez Gardena. Trois asperseurs de 90° suffiront pour arroser la totalité de la surface. Un régulateur de pression permet de réguler le débit pour éviter que le mur opposé soit arrosé. Quand on observe la scène de l’intérieur, l’eau jaillit de « sous nos pieds » vers le mur opposé de fond de scène. La direction des trois jets dirige le regard vers un balayage de toute la surface mais fixe aussi sur des points plus précis où l’eau ruisselle avec grâce.

La lumière

Deux prises électriques sont disponibles en deux points opposés. Le dessin général correspond avec ce facteur important. L’implantation des végétaux et les caches créées avec le minéral rendent les spots et les prises invisibles de l’intérieur de l’habitation. De nuit, la lumière se diffuse dans toute la scène. Ainsi on peut observer tous les points en couplant l’arrosage. On remarque au-devant un dégradé selon la lumière: les plantes les plus sombre sont au plus proche de la lumière et en fond de scène la fougère jaillit sans aveugler. La lumière accentue les reliefs.

Croquis d'ambiance

Cette scène est un coin du jardin qui peut avoir la particularité de procurer du repos lors du retour au domicile. On peut régler l’arrosage aux heures de retour pour permettre de reposer les yeux sur un écoulement imprévisible et toujours renouvelé. Ce lieu d’observation donnant sur une scène de composition rigoureuse et harmonieuse offre un moment de pause et de paix. C’est sa force subjective qui rend cette scène captivante. Il n’y a pas de sentiment d’éphémère trop poussé. La plupart des plantes sont persistantes. C’est une représentation abstraite sans trop de naturalisme, comme le souhaite le client.

Patio, vue de dessus, au crayon, feutre et peinture acrylique

Vues de la réalisation:


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